Des prototypes pour rechercher les optimums constructifs en biosourcé
Le travail à partir de prototypes permet de réfléchir aux évolutions nécessaires pour intégrer les matériaux bio et géosourcés. Les variantes proposées ciblent celles qui sont réalisables dès à présent et sans difficulté majeure. Le prototypage permet également d’évaluer les impacts sur les coûts de production et sur la baisse des émissions carbone.
L’analyse quantitative et qualitative de la commande a permis de sélectionner un ensemble de douze bâtiments récents représentatifs de l’actualité immobilière du territoire de la Vallée de la Seine : les archétypes. Au sein de ce premier échantillon, le groupement a élaboré un second échantillon de prototypes, c’est-à-dire un ensemble d’opérations propices à la perspective de massification du recours au matériaux bio et géosourcés.
Les prototypes se répartissent de la manière suivante :
- 2 constructions neuves : un îlot tertiaire et un îlot résidentiel
- 2 rénovations de logements collectifs, l’un en structure béton, l’autre en pierre moellons
- 1 opération mixte d’une maison individuelle intégrant rénovation et extension (travaux en cours)
Les enseignements du prototypage
Ces différents résultats permettent de réinterroger notre façon d’appréhender le bâtiment, neuf ou réhabilité, et mettent en évidence les défis variés tout au long de la chaîne, dont nous tirons 6 enseignements.
Assumer le surcoût dès le début du projet
Les simulations du projet Maillons sur les prototypes étudiés permettent d’atteindre une forte diminution des émissions carbone réglementaires, mais sont globalement associées à des surcoûts significatifs. Ce surcoût est identifié par l’ensemble des acteurs de la commande interrogés mais les entretiens ne permettent pas d’identifier de stratégies pour les absorber : la plupart des opérateurs le reporte vers l’aval ou l’amont de la chaîne de création de valeurs.
Monitorer une métrique en évolution
Les calculs opérés dépendent de la donnée disponible. Pour le carbone, les dernières années ont vu une progression très significative des données produites, notamment grâce aux financements de l’ADEME. Ceux-ci ont permis la création massive de fiches de déclaration environnementales individuelles ou collectives, évitant ainsi les données par défaut très défavorables. Cependant, pour une partie des systèmes biosourcés, les résultats restent insuffisamment affinés et nécessitent encore d’investir dans la précision de la donnée.
Modifier la commande pour permettre la transition vers le bio et géosourcé
Réduire le bilan carbone d’une construction est possible par l’exploration d’un ensemble de solutions programmatiques, constructives et techniques, à anticiper dès les prémisses du projet. Le programme joue donc un rôle clé dans la massification des matériaux bio et géosourcés.
Par exemple, la réduction du nombre de sous-sols réduit le coût carbone en construction et en fonctionnement. La place de parking au travail impacte le taux de voiture possédé et oriente à la fois vers la mobilité comme un service et vers la réduction de taille des bassins de vie. Cette adaptation du programme libère des moyens pour la façade en plus de travailler à une décarbonation plus globale.
L’intégration de matériaux biosourcés nécessite d’adapter l’ensemble de la chaîne de production du bâtiment à cet objectif : celui-ci peut être le choix d’une filière, d’un ouvrage, d’un niveau de bilan carbone ou d’une part de biosourcé à intégrer. L’innovation doit rester atteignable en s’appuyant sur l’expérience des acteurs mobilisés.
Le changement à opérer est tellement profond et massif qu’il doit nécessairement faire appel à une approche holistique.
Réinventer une conception à partir de la matière
De l’aménagement à la construction, les outils conceptuels et opérationnels dont on hérite sont globalement structurés autour des vastes possibilités constructives qu’ont ouvert le béton, l’acier et plus globalement la période moderne (1920-1970). Les considérations bioclimatiques et bas carbone nous positionnent dans une situation presque inverse et nous invitent à retrouver davantage de rationalité structurelle, de maîtrise du coefficient de forme … Les limites de la technique courante pour des filières éco-sourcées encore non-industrialisées réduisent le champ des possibles et appellent une refonte à la fois des imaginaires et des méthodes associées à la construction.
Travailler collectivement à une extension progressive des domaines d'emploi
Certaines filières n’ont aucun cadre (miscanthus, anas de lin) et nécessitent de développer de nouveaux savoir-faire. D’autres filières ont mis au point des procédés constructifs encadrés par des règles professionnelles (paille et chanvre). Mais le domaine d’application restreint la hauteur des bâtiments là où la commande immobilière des territoires denses de la Vallée de la Seine appellent de la hauteur pour limiter les emprises bâties.
L’extension progressive des domaines d’emploi nécessite une stratégie construite en amont avec une vision à long terme. Cela démarre par une parfaite connaissance des référentiels reconnus en technique courante et de leurs limites à date. L’état de l’art étant réalisé, il est ensuite possible de porter les arbitrages mentionnés et d’engager les actions en conséquence.
Développer de nouveaux produits de construction à partir des ressources locales
Procéder au changement d’échelle
Le corpus de références de constructions biosourcées portent majoritairement sur des projets de petite échelle. De la même manière, le réseau d’acteurs et actrices relève actuellement et majoritairement plutôt de l’artisanat, avec des difficultés et des risques associés pour franchir le pas vers la grande échelle. Les filières biosourcées font face à une concurrence inégale des filières industrialisées telles que le béton pour lesquelles le système actuel de construction a été conçu.
La filière bois est représentative de ce changement d’échelle. En plein essor, elle offre aujourd’hui des procédés constructifs en structure, isolation et revêtements pour répondre à tous les programmes et toutes les hauteurs de bâtiments. Ce changement d’échelle doit pouvoir aussi concerner les autres ressources.
Diversifier le conditionnement
Les ressources en fibres végétales sont abondantes sur le territoire mais sont encore peu utilisées pour la construction. Cela s’explique notamment par les dimensions des produits biosourcés qui correspondent à des standards agricoles et non aux standards actuels de la construction : la botte de paille dite « paysanne » a ainsi des mesures fixées par les botteleuses agricoles. Des maillons sont nécessaires et en cours de développement pour proposer des conditionnements adaptés à la construction, en épaisseur ou en mode de pose.
À cela s’ajoute l’enjeu de la rénovation. Les matériaux biosourcés apportent une réponse adaptée et qualitative pour rénover le bâti ancien mais trouvent des difficultés à concurrencer les panneaux d’isolants conventionnels. Il est nécessaire de développer des produits pour une mise en œuvre rapide, efficace et peu onéreuse. Le développement de la paille hachée, qui permet aussi d’envisager l’usage d’autres fibres que la paille de blé (orge ou autres céréales), répond à cette problématique. De la même manière, des panneaux de paille se développent en Loire Atlantique et ouvrent de nouvelles possibilités.
L’enjeu est donc d’équiper le territoire du matériel nécessaire pour permettre des usages simplifiés pour la construction.