La Guilde Sable Vert et ses partenaires, notamment issus de la R&D, des filières agricoles et industrielles, dévoilent les résultats du programme NG2B – Normalisation des granulats pour bétons biosourcés. Après 3 ans de travaux, l’association – constituée de professionnels et d’experts de la construction – révèle le contenu de la prénorme concernant les granulats végétaux entrant dans la confection des mortiers et bétons biosourcés.
Le jeudi 21 mars dernier, la Guilde Sable Vert et ses partenaires ont présenté les résultats du programme NG2B, une prénorme concernant les granulats végétaux dans les mortiers et bétons biosourcés. Un engagement pluridisciplinaire en faveur de la démocratisation de ces solutions durables, amorce d’une norme dédiée.
« Depuis plus de vingt ans, la France possède l’expertise et les solutions techniques en matière de bétons biosourcés. Précurseurs dans ce domaine, les acteurs de la filière se heurtent cependant à un obstacle majeur : aucune norme n’encadre – à ce jour – la caractérisation des bétons végétaux, freinant ainsi le développement de ce marché. A travers le programme NG2B, la prénorme – concernant les granulats à particules végétales entrant dans la conception des mortiers et bétons biosourcés – pallie cette carence. Ce nouveau référentiel commun forgera l’identité de la future norme » déclare Bernard Boyeux, administrateur de La Guilde Sable Vert.
Trois ans de travaux et une commission constituée de professionnels ainsi que d’experts de la construction – de l’amont agricole aux bureaux de contrôle, des services de l’État aux fabricants de liants et bétons, des artisans/applicateurs aux maîtres d’œuvre – ont œuvré sous l’égide d’un comité de pilotage et de trois laboratoires – le CEREMA, l’ENTPE et UniLaSalle – constitutifs du conseil scientifique.
De ce consortium émerge – aujourd’hui – une carte d’identité des granulats végétaux compilant les spécificités susceptibles d’influer les caractéristiques techniques et environnementales des mortiers et bétons biosourcés dont les atouts sont nombreux :
- Performances techniques : thermiques, hygrothermiques, mécaniques, acoustiques, pérennité des performances, etc.
- Performances environnementales : matières premières renouvelables, bilan et stockage carbone, énergie grise, etc.
- Performances socio-économiques : développement et synergie des territoires, emplois, etc.
Réalisée autour d’un consensus tant sur les définitions pertinentes que sur la méthodologie appliquée aux granulats végétaux, cette prénorme fournit aux professionnels une base fondamentale afin d’établir des corrélations entre les caractéristiques et les performances des bétons biosourcés. Elle assure également un cadre salutaire pour les maîtres d’œuvre.
Caractéristiques clés des granulats végétaux
La fabrication des mortiers et bétons biosourcés résulte du mélange de trois ingrédients : des granulats végétaux, un liant minéral (chaux, ciment, argile) et de l’eau. En modifiant les proportions de ces ingrédients, ainsi que les méthodes de préparation et de mise œuvre, ces mélanges affichent – après séchage – des propriétés physiques très différentes, capables de répondre à des fonctions constructives variées. Les fabricants de matériaux ainsi que les artisans maîtrisent ce potentiel et offrent une palette exhaustive de solutions fiables et efficaces tant en constructions neuves qu’en rénovation. Restait à cadrer et prénormer.
La prénorme vise – en premier lieu – à caractériser les différents types de granulats végétaux et à créer un référentiel commun destiné à l’ensemble des acteurs de la filière. Ceci, d’après une base de données techniques et environnementales.
« Notre objectif était de définir les caractéristiques de classification des granulats biosourcés ; caractéristiques devant être pertinentes et utiles à la confection des mortiers et bétons. Le protocole fut donc établi autour des caractéristiques suivantes : la teneur en eau (un marqueur de qualité de la matière première car l’humidité est un paramètre de contrôle du produit brut à la source), la masse volumique apparente, la capacité d’absorption en eau liquide, la répartition granulométrique (essentielle quant à l’usage futur du matériau). Il a été établi à partir de l’analyse de trois granulats : la chènevotte, la balle de riz et la moëlle de tournesol. La méthodologie appliquée à ces trois matières premières végétales a ensuite été dupliquée au miscanthus, à la paille de riz, à l’anas de lin, au colza, au bambou ainsi qu’au granulat de bois » explique Stéphane Hans de l’ENTPE, école de l’aménagement durable des territoires.
Les trois granulats – étudiés – ont été sélectionnés pour leurs différences, notamment, en termes de masse volumique et de capacité d’absorption. « A titre d’exemples, la moëlle de tournesol – qui possède une structure très aérienne – affiche une masse volumique de 20 à 25 kg/m³ alors que la chènevotte et la balle de riz tournent autour de 100 kg/m³ » poursuit Stéphane Hans, chercheur ITPE et docteur en génie civil.
En fonction de la nature du végétal, le matériau est plus ou moins poreux. « De la capacité d’absorption en eau – impactant notamment la maniabilité des bétons – dépendra la conception/fabrication des bétons biosourcés. En 10 mn, la balle de riz absorbe environ 70% de son poids (soit 70 kg absorbés pour 100 kg), la chènevotte affiche un taux d’absorption de 200% (soit 2 fois son poids) et la moëlle de tournesol est une véritable éponge avec 1.700% » souligne Stéphane Hans.
La carte d’identité des granulats végétaux doit servir de base aux différentes formulations que les industriels du bâtiment élaboreront pour leurs mortiers et bétons biosourcés. Elle permettra une stabilisation et un contrôle des approvisionnements alors que par nature, le végétal induit une variabilité.
Les propriétés fondamentales des bétons biosourcés sont :
- leur porosité très élevée,
- leur faible masse volumique,
- leur grande capacité de déformation,
- leur excellente résistance thermique,
- leur absorption des ondes acoustiques
- mais, surtout, un fonctionnement hygrothermique constituant des matériaux à changement de phases naturel.
Contrairement à de nombreux matériaux alvéolaires, les pores de mortiers et bétons biosourcés sont connectés et permettent les déplacements de vapeur d’eau à l’intérieur des parois. Cette porosité ouverte facilite les transferts hygrothermiques, transformant les matériaux en régulateurs thermiques et générant d’importantes économies d’énergie (jusqu’à 70% dans des conditions optimales, selon une étude du CEREMA).
Massification de l’usage des mortiers et bétons biosourcés
La prénorme s’inscrit dans une logique de filière et de territoires afin de permettre des approvisionnements récurrents de qualité et de proximité.
« Au regard des exigences énergétiques et environnementales actuelles, les mortiers et bétons biosourcés sont pertinents et légitimes. […] D’autant que les ressources végétales mobilisables – chanvre, tournesol, colza, lin, miscanthus, balle de riz, bagasse, etc. – sont nombreuses et abondantes en France » note Bernard Boyeux.
« Nous produisons environ 1,2 million d’hectares de colza en France par an et 1 hectare produit équivaut à 2 tonnes de paille. Si nous ne voulons pas appauvrir les sols, nous devons récolter une année sur trois ce qui correspond à une capacité de 400 000 hectares disponibles par an pour la fabrication d’agro-produits destinés à la construction. Le blé est une source d’approvisionnement encore plus conséquente car nous produisons environ 5 millions d’hectares de blé tendre par an en France » déclare François Carpentier, responsable Innovation à la coopérative agricole Cérèsia. « Nous devons nous appuyer sur le modèle de la filière chanvre afin de constituer une filière dédiée aux pailles de blé et de colza pour intégrer le secteur de la construction éco-responsable, maîtriser notre impact énergétique et assurer la pérennité des exploitations. Ceci, tout en respectant et valorisant les hommes comme les ressources naturelles ».
Les solutions techniques ont gagné en maturité – un bloc isolant porteur (ou non porteur) en colza et béton de colza projeté affiche des performances comparables au béton de chanvre pour une application au mur ou au sol – et s’accommodent volontiers d’une massification du marché, tout en contribuant à l’apport de solutions agro-responsables face aux enjeux du dérèglement climatique.
Stratégie normative de la filière
Rappelons que le secteur du bâtiment représente 43% des consommations énergétiques annuelles en France. « 75% de l’impact des gaz à effet de serre (GES) d’un bâtiment proviennent de sa phase construction (choix des matériaux, provenance, transport …). L’usage de matériaux biosourcés – locaux, recyclés, réemployés – présente des avantages environnementaux indéniables allant jusqu’à 30% de gains sur la phase construction » analyse Nicolas Doré de l’ADEME.
La prénorme s’inscrit pleinement dans les évolutions réglementaires françaises, notamment la RE 2020. Elle tend à généraliser – et rendre efficient – l’usage des mortiers et bétons biosourcés et répond, concrètement, aux enjeux climatiques ainsi qu’aux objectifs de neutralité carbone 2050. A court terme, elle induit une réduction des émissions de gaz à effet de serre, liées à la production de matériaux de construction.
Cette prénorme expérimentale (XP) affiche une validité de 5 ans. A cette issue, la décision de l’implémenter en norme doit être prise. La future norme des granulats biosourcés devra alors s’inspirer de la NF EN 16575 répondant aux produits biosourcés mais également être en concordance avec la NF EN 12620 répondant aux Granulats pour béton et à la NF EN 14889 correspondant aux Fibres pour béton.